C’est ce que vient de rappeler la Cour de cassation dans un arrêt du 13 mai 2015, rejetant le pourvoi d'une société que nous connaissons bien : France Médias Monde.
Par Frédéric CHHUM - Avocat
Monsieur X., qui avait déjà travaillé auparavant pour le compte de la société Radio France internationale, aux droits de laquelle vient en définitive la société France médias monde, a été engagé par cette société le 1er août 1998, par contrat à durée indéterminée en qualité de producteur délégué et intervenant concepteur, avec reprise d'ancienneté de six ans et cinq mois.
Par acte du 1er février 2005, ce salarié s'est vu reconnaître un contrat de journaliste, en qualité de grand reporter, avec une reprise d'ancienneté « entreprise » de douze ans, onze mois, un jour, une reprise d'ancienneté en qualité de journaliste de cinq ans et une ancienneté professionnelle de treize ans, trois mois, onze jours.
Ce salarié s'est porté candidat à un départ volontaire dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi et a conclu une convention de rupture amiable avec l'employeur le 10 avril 2012.
Il a saisi la juridiction prud'homale le 7 juin 2012 pour demander la requalification de la relation de travail initiale en contrat à durée indéterminée, avec la qualité de journaliste, ainsi que le paiement de rappels de salaire et d'indemnités conformes à cette reconstitution de carrière.
La Cour d’Appel a ordonné la requalification de la relation contractuelle depuis le 1er mars 1992 en un unique contrat à durée indéterminée, a jugé que le salarié dispose de la qualité de journaliste professionnel depuis cette date, et a condamné la société à lui verser diverses sommes.
La société France Médias Monde s’est pourvue en cassation.
Dans un arrêt du 13 mai 2015 (13-25476), la Cour de cassation rejette le pourvoi.
La société FMM arguait :
1) qu'un salarié engagé sans écrit pour réaliser des piges est depuis l'origine en contrat à durée indéterminée de sorte qu'il n'y a pas lieu à requalification de prétendus contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ; qu'en l'espèce, la société AEF faisait valoir que Monsieur X. avait toujours collaboré dans le cadre de piges, contestant la conclusion de contrats à durée déterminée à compter du 1er janvier 1993 ;
qu'il ne résulte pas des pièces de la procédure que des contrats de travail à durée déterminée dits d'usage aient été produits par M. X... ; qu'en affirmant dès lors péremptoirement que Monsieur X... a conclu avec « Radio France internationale », devenue par la suite « Audiovisuel extérieur de la France » divers contrats à durée déterminée d'usage, à compter du 1er janvier 1993, pour ensuite juger qu'ayant pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, la relation contractuelle devait être requalifiée en un unique contrat de travail à durée indéterminée en application de l'article L. 1242-1 et allouer au salarié, entre autres, une indemnité de requalification en application de l'article L. 1245-1 du code du travail, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1242-12 et L. 1245-1-1 du code du travail ;
2) que les pigistes constituent une catégorie de salariés spécifique qui ne peut pas bénéficier de la classification prévue pour les salariés rémunérés, non à la pige, mais sur la base de leur temps de travail ; qu'en déduisant en l'espèce de la requalification de la relation de travail en un contrat à durée indéterminée avec la reconnaissance du statut de journaliste professionnel depuis mars 1992, que Monsieur X. pouvait prétendre à des rappels de salaires résultant de l'application du salaire minimum garanti en fonction de l'ancienneté acquise depuis cette date, lorsqu'ayant travaillé à la pige entre 1992 et 1998, il ne pouvait bénéficier de ces dispositions conventionnelles sur cette période, la cour d'appel a violé l'article 22 de la convention collective nationale des journalistes professionnels.
Toutefois, la Cour de cassation rejette l’argumentation de la Chaîne.
Elle indique que « la fourniture régulière de travail à un journaliste pigiste, pendant une longue période, fait de lui un collaborateur régulier qui doit bénéficier à ce titre des dispositions légales applicables aux journalistes professionnels ».
Elle ajoute « qu'ayant relevé, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, que les collaborations antérieures au 1er août 1998 s'inscrivaient dans le cadre de contrats à durée déterminée, que le salarié avait été employé en vue de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et qu'il avait travaillé en qualité d'intervenant concepteur, de présentateur, de chroniqueur journaliste, de producteur délégué ou d'adjoint du producteur, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il convenait de requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée et d'allouer à ce salarié, pour les périodes travaillées, des rappels de salaire et d'indemnités».
Cet arrêt est une confirmation de jurisprudence.
Source :
Cour de cassation, chambre sociale du 13 Mai 2015, n° 13-25476